Quel droitier n'a pas un jour
été inquiet de rencontrer un gaucher ?
Le célèbre épéiste italien Edoardo
Mangiarotti a été double champion du monde et ... six fois
champion olympique entre 1936 et 1960. Il était "gaucher" puisque
son père, maître d'armes, l'avait incité à ...
changer de main à l'âge de douze ans, lui qui avait commencé
l'escrime avec la main droite, étant "droitier" de naissance.
Faudrait-il que tous les droitiers se mettent à tirer de
la main gauche ?
Le constat
Les gauchers représentent environ entre 10% et 15%
de la population. Pourtant, dans les compétitions
mondiales d'escrime, ils sont près du quart, comme le constate
le docteur Guy Azémar, médecin de
la fédération française d'escrime.
Comment expliquer une telle différence ? Et comment
expliquer que cette proportion ait tendance à augmenter encore au
fil des tours éliminatoires pour atteindre près de 50% en finale.
Au fleuret et à l'épée, 60%
des médaillés sont ... gauchers ! On a même
compté 8 gauchers parmi les 8 finalistes au fleuret individuel à
MOSCOU en 1980 ! Au sabre, c'est l'inverse : le nombre des gauchers
est très faible (moins de 15%) et aucun gaucher n'est devenu
champion olympique ou champion du monde à cette arme. Srecki,
Plumenail, Riboud, Laura Flessel autant de champions gauchers. Mais la
famille Touya ne compte que des droitiers ! Faudrait-il que les droitiers
se mettent à tirer au sabre uniquement ?
Une réflexion succincte semble indiquer que les gauchers
réussissent mieux parce que étant moins nombreux dans
les salles, ils y rencontrent davantage de droitiers et s'adaptent ainsi
très bien à leur jeu. A l'inverse ces derniers ont
plus rarement l'occasion de se mesurer à eux. Ainsi,
l'entraînement favorise-t-il les gauchers! Mais, alors, le raisonnement
devrait également s'appliquer au sabre. Or, il n'en est rien.
La science au secours de l'escrime.
C'est le cerveau qui coordonne les mouvements. Le lobe droit
contrôle la main ... gauche et le lobe gauche contrôle la
main ... droite. Voilà qui rétablit un certain
équilibre ! Mais la différence ne s'arrête pas là
: nos deux lobes sont fonctionnellement dissymétriques et
spécialisés.
L'hémisphère
droit est "artistique" ou
"féminin"
(couleurs, formes, espace, sensibilité) alors que son homologue gauche
est plus
"analytique" ou
"masculin" (langage, intellect, abstarction,
écriture, précision du geste, ..). Ainsi, de
façon intuitive, c'est la nature des mouvements qui va
privilégier soit les droitiers soit les gauchers.
La main droite
est plus précise, même chez le gaucher.
Les droitiers réussissent mieux dans les exercices mettant en
jeu la faculté de précision : tir sur cible fixe, lancer,
...
La main gauche, quant à elle, appréhende beaucoup mieux et
de façon plus rapide l'espace, même chez le droitier.
Les gauchers réussissent mieux dans les exercices impliquant la perception
visuelle de l'espace d'action, notamment dans les duels : escrime, bien
sûr, mais aussi tennis, boxe, tennis de table, ... sports où
la faible distance qui sépare les adversaires privilégie la
rapidité d'exécution.
Fleuret & Epée
Ce sont des armes d'estoc : le geste est dit "balistique", il est programmé
dès que la cible est localisée. Sur des distances courtes,
c'est donc la rapidité qui prime sur la précision.
Le gaucher est avantagé. En revanche, pour toucher à plus
grande distance, la précision devient primordiale. Le droitier
refait son retard ! L'explication vaut pour le tennis. Les gauchers sont
en général des attaquants qui concluent à la volée
(MacEnroe, Connors, ...). Les droitiers se régalent à ajuster
leur passing (Borg, Agassi, Sampras .. ).
Sabre
Le sabre est à la fois arme d'estoc et arme de taille. La lame
décrit des trajectoires beaucoup plus complexes qu'au fleuret ou à
l'épée. Le droitier visualise plus facilement ces changements
de lignes (hémisphère gauche): c'est la précision
du placement de la main qui l'emporte sur la rapidité du geste.
Conclusion
Le docteur Azémat, dont l'article dans l'Equipe du 1er avril
2000 (n° 935 p 51 ) , a permis de rédiger ce texte,
explique que la compréhension fine des fonctionnements du cerveau
permet ainsi à l'escrimeur d'adapter son jeu
à celui de l'adversaire et surtout lui permet de travailler
sa technique à l'entraînement. En conclusion tout le monde a
sa chance dès lors qu'il réussit à s'adapter au jeu
de l'autre et à utiliser ses capacités au maximum
! C'est d'ailleurs vrai pour tous les sports. Tireurs méditez
cette maxime!
En outre, si tout se passe dans la tête c'est
souvent le mental qui fait la différence
! Droitiers tout n'est pas perdu au fleuret et à l'épée
! Gauchers vous pouvez gagner au sabre !
Par ailleurs, les yeux sombres seraient avantagés. Les mystères
du cerveaux, décidément bien impénétrables, se
dévoilent peu à peu.
Ou alors, faites comme Serguei Golubitski (UKR) qui blessé à
la main gauche (foulure du pouce), lors du Challenge de Paris,
a terminé avec la main droite ne s'inclinant finalement
que sur le score de 10 à 13 (alors qu'il menait 6-5 avant le changement
de main) ! N'est pas triple champion du monde qui veut !
Source : Pourquoi les gauchers touchent
mieux au fleuret - Guy Azémar- Equipe Magazine n° 935
p51 avril 2000. |