Un peu de science   28 avril 2000

Les gauchers sont-ils avantagés à l'escrime ?

 

 

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Les gauchers sont-ils avantagés à l'escrime ?

28/04/00
science

Quel droitier n'a pas un jour été inquiet de rencontrer un gaucher ?

Le célèbre épéiste italien Edoardo Mangiarotti a été double champion du monde et ... six fois champion olympique entre 1936 et 1960. Il était "gaucher" puisque son père, maître d'armes, l'avait incité à ... changer de main à l'âge de douze ans, lui qui avait commencé l'escrime avec la main droite, étant "droitier" de naissance.

Faudrait-il que tous les droitiers se mettent à tirer de la main gauche ?

Le constat
Les gauchers représentent environ entre 10% et 15% de la population. Pourtant, dans les compétitions mondiales d'escrime, ils sont près du quart, comme le constate le docteur Guy Azémar, médecin de la fédération française d'escrime. Comment expliquer une telle différence ? Et comment expliquer que cette proportion ait tendance à augmenter encore au fil des tours éliminatoires pour atteindre près de 50% en finale. Au fleuret et à l'épée, 60% des médaillés sont ... gauchers ! On a même compté 8 gauchers parmi les 8 finalistes au fleuret individuel à MOSCOU en 1980 ! Au sabre, c'est l'inverse : le nombre des gauchers est très faible (moins de 15%) et aucun gaucher n'est devenu champion olympique ou champion du monde à cette arme. Srecki, Plumenail, Riboud, Laura Flessel autant de champions gauchers. Mais la famille Touya ne compte que des droitiers ! Faudrait-il que les droitiers se mettent à tirer au sabre uniquement ?

Une réflexion succincte   semble indiquer que les gauchers réussissent mieux parce que étant moins nombreux dans les salles, ils y rencontrent davantage de droitiers et s'adaptent ainsi très bien à leur jeu. A l'inverse ces derniers ont plus rarement  l'occasion de se mesurer à eux. Ainsi, l'entraînement favorise-t-il les gauchers! Mais, alors, le raisonnement devrait également s'appliquer au sabre. Or, il n'en est rien.

La science au secours de l'escrime.
C'est le cerveau qui coordonne les mouvements. Le lobe droit contrôle la main ... gauche et le lobe gauche contrôle la main ... droite. Voilà qui rétablit un certain équilibre ! Mais la différence ne s'arrête pas là : nos deux lobes sont fonctionnellement dissymétriques et spécialisés.

L'hémisphère droit est "artistique" ou "féminin" (couleurs, formes, espace, sensibilité) alors que son homologue gauche est plus "analytique" ou "masculin" (langage, intellect, abstarction, écriture, précision du geste, ..). Ainsi, de façon intuitive, c'est la nature des mouvements qui va privilégier soit les droitiers soit les gauchers.

La main droite est plus précise, même chez le gaucher. Les droitiers réussissent mieux dans les exercices mettant en jeu la faculté de précision : tir sur cible fixe, lancer, ...
La main gauche, quant à elle, appréhende beaucoup mieux et de façon plus rapide l'espace
, même chez le droitier. Les gauchers réussissent mieux dans les exercices impliquant la perception visuelle de l'espace d'action, notamment dans les duels : escrime, bien sûr, mais aussi tennis, boxe, tennis de table, ... sports où la faible distance qui sépare les adversaires privilégie la rapidité d'exécution.

Fleuret & Epée
Ce sont des armes d'estoc : le geste est dit "balistique", il est programmé dès que la cible est localisée. Sur des distances courtes, c'est donc la rapidité qui prime sur la précision. Le gaucher est avantagé. En revanche, pour toucher à plus grande distance, la précision devient primordiale. Le droitier refait son retard ! L'explication vaut pour le tennis. Les gauchers sont en général des attaquants qui concluent à la volée (MacEnroe, Connors, ...). Les droitiers se régalent à ajuster leur passing (Borg, Agassi, Sampras .. ).

Sabre
Le sabre est à la fois arme d'estoc et arme de taille. La lame décrit des trajectoires beaucoup plus complexes qu'au fleuret ou à l'épée. Le droitier visualise plus facilement ces changements de lignes (hémisphère gauche): c'est la précision du placement de la main qui l'emporte sur la rapidité du geste.

Conclusion
Le docteur Azémat, dont l'article dans l'Equipe du 1er avril 2000 (n° 935 p 51 ) , a permis de rédiger ce texte, explique que la compréhension fine des fonctionnements du cerveau permet ainsi à l'escrimeur d'adapter son jeu à celui de l'adversaire et surtout lui permet de travailler sa technique à l'entraînement. En conclusion tout le monde a sa chance dès lors qu'il réussit à s'adapter au jeu de l'autre et à utiliser ses capacités au maximum ! C'est d'ailleurs vrai pour tous les sports. Tireurs méditez cette maxime!

En outre, si tout se passe dans la tête c'est souvent le mental qui fait la différence ! Droitiers tout n'est pas perdu au fleuret et à l'épée ! Gauchers vous pouvez gagner au sabre !

Par ailleurs, les yeux sombres seraient avantagés. Les mystères du cerveaux, décidément bien impénétrables, se dévoilent peu à peu.

Ou alors, faites comme Serguei Golubitski (UKR) qui blessé à la main gauche (foulure du pouce), lors du Challenge de Paris, a terminé avec la main droite ne s'inclinant finalement que sur le score de 10 à 13 (alors qu'il menait 6-5 avant le changement de main) ! N'est pas triple champion du monde qui veut !

Source : Pourquoi les gauchers touchent mieux au fleuret - Guy Azémar- Equipe Magazine n° 935 p51 avril 2000.


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